The History of Physiognomy

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Sibylle Erle


Catchy Nets and Beauty Webs: William Blake’s Physiognomical Bodies


The eighteenth century debate about physiognomy provides a European context for Blake’s early works and in particular his creation myth The Book of Urizen (1794). This myth is about the construction of identity through the body, that is, Blake explores how body and soul come to relate to each under the conditions of likeness-making. He focuses on the attempts to achieve what seems beyond both his creator figures’ as well as his own abilities: creating a body and book in the image of perfection. It is crucial that Blake decided to have more than one version of The Book of Urizen. The work was printed in an edition of probably six copies in 1794, all of which were colour-printed, then re-issued in 1795 and printed again in 1818.If we read The Book of Urizen together with its parts (The Book of Ahania and The Book of Los)we have to negotiate between flashbacks and changes in point of view.
Likeness-making and the question of good likeness links Blake’s concerns as an engraver with those marketing Lavater’s Essays on Physiognomy (1789-98). Working for the Hunter team had filled him with self-confidence - for once he could be proud to be an engraver - but it also introduced him to many new insights about bodies and the souls inside them. Lavater searched for a divine or family resemblance which he believed all humans shared. Whereas he accumulated portraits on portraits to find evidence for this likeness, Blake starts with the notion of a common likeness and has it disintegrate into individual shapes. The plot of The Book of Urizen, moreover,is slowed down up by problems of representations. 
Thinking of Los’s creation of Urizen as an act of physiognomical interpretation entails that likeness-making in The Book of Urizen allows for a differentiation between good and bad versions of the body. This is useful, because there is a sense, with the plot unfolding, that the different figures become less and less divine. The offshoot is that they develop into individuals and do not remain human types. By rendering the creation myth as two stages of embodiment, the first being the silhouette body and the second being the flesh and blood body, Blake seems to repeat the development from Physiognomische Fragmente (1774-78) to Essays on Physiognomy. The value of the silhouette body is limited and once the physiognomist has mastered the silhouette, he naturally progresses to more complex images. Blake, instead of one perfect human body, presents readers with a group of slightly imperfect individuals.
The most aggressive metaphor for likeness-making is ‘The Net of Religion’. It shapes the body and causes it a lot of pain. By the time Essays on Physiognomy was published, Lavater was confident that he had trained his eyes so that he could see at first glance. Symptomatic of this change is the confidence with which he criticizes the engravers and artist working for him. When Urizen encounters his shadow creatures, he looks away and his vision is clouded by tears. ‘The Net of Religion’ appears spontaneously and in response to the measurements taken by Urizen of his creation. It is as if Urizen, too, has internalized the tools he has created to help him see his creation. Bake satirizes Lavater’s approach to likeness-making, because his creation myth suggests that, during likeness making, the gulf between God and man, original and copy, person and image widens. Los is looking at Urizen, but irrespective of how much time and effort he spends on him, he cannot fix or retrieve what he believes to be Urizen’s divine likeness.
In The Book of Urizen human identity emerges in terms of the gravitational field of the body, with the nervous system and the blood vessels, defying physiognomical interpretation. In fact, none of the bodies in Blake’s creation myth is as reliable or stable as Lavater believes bodies or portraits for that matter to be. Blake’s adaptation of the Biblical creation myth foregrounds imagery to do with embodiment and incarnation. Whereas the former is initiated by Los, the latter arises directly from the forces and resources of the material body. Los intends to restrict Urizen to one particular body, but Urizen’s body fights back. The creation of the human body is a celebration of life. Just as Blake encourages his readers to make up their own minds, each of the figures of his creation myth is allowed to acquire their own body.

 

Filets de séduction et toiles de beauté : les corps physiognomoniques de William Blake.


Les débats sur la physiognomonie qui ont marqué le XVIII e siècle fournissent le contexte européen des  premiers travaux de William Blake et en particulier de son mythe fondateur de la Création d’Urizen (1794). Ce mythe concerne la construction d’une identité à travers le corps, et plus exactement, il est l’occasion pour Blake d’étudier comment l’âme et le corps sont reliés l’une à l’autre, à travers l’élaboration d’une ressemblance. Il se concentre sur la tentative pour parvenir à ce qui semble hors de portée aussi bien de la personnalité du créateur que de ses aptitudes : la création d’un corps et d’un livre qui soient l’image même de la perfection. Il est crucial que Blake décide d’avoir non pas un mais plusieurs versions du Livre d’Urizen. La première édition, en 1794, semble avoir comporté six copies, toutes en couleurs, et deux nouvelles éditions sont intervenues, en 1795 et de nouveau en 1818. Le lecteur qui place Le Livre d’Urizen en perspective de ses contreparties, Le Livre d’Ahania et Le Livre de Los, doit négocier entre flash-backs et changements de points de vue.
L’élaboration d’une ressemblance et la question de la bonne ressemblance rapprochent les préoccupations du graveur que fut Blake, avec celles de Lavater, l’auteur de  l’Essai sur la physiognomonie (1789-1798). Travailler dans l’équipe de Henri Hunter, le traducteur de laater en Grande-Bretagne, a conforté Blake dans sa confiance en lui – car pour une fois il pouvait être fier d’être graveur — mais cette collaboration l’a aussi conduit à des considérations nouvelles sur les corps et les âmes qui les habitent. Lavater était à la recherche d’une ressemblance d’ordre familial ou divin dont il pensait qu’elle était la part commune de l’humanité. Alors que sa méthode fut d’accumuler les portraits individuels pour tenter de mettre en évidence cette ressemblance, le système de Blake procède à l’inverse. Iil commence par un type médian révélateur d’une ressemblance commune puis désintègre progressivement cette unité apparente en autant de formes propres à des individus. L’intrigue du Livre d’Urizen est par ailleurs ralentie et bousculée par des problèmes de représentation.
Analyser la création d’Urizen par Los comme un acte d’interprétation physiognomonique, suppose que la fabrication de la ressemblance dans le Livre d’Urizen permet une différenciation entre les versions positives et négatives du corps. Cela est d’autant plus utile qu’il apparaît, à mesure que l’intrigue se développe, que les différents personnages deviennent de moins en moins divins. Il en résulte que, de types humains qu’ils étaient, ils tendent à devenir des individus. En choisissant de représenter le mythe de la création sous la forme de deux étapes, la construction de la silhouette puis et seulement ensuite, le corps de chair et de sang, Blake semble répéter la démarche qui a conduit des Fragments physiognomoniques de 1774-1778 aux Essais sur la physiognomonie. La silhouette à laquelle est d’abord réduit le corps a pour le phyisiognomoniste une valeur limitée et, une fois qu’il l’a tracée, celui-ci progresse naturellement vers des images plus complexes. Blake, quant à lui, propose au lecteur, au lieu d’un corps humain parfait, une série d’individus dont chacun est un peu imparfait.
La métaphore la plus agressive de l’élaboration de la ressemblance est celle du « filet de la religion ». Ce filet structure le corps et il est pour lui une cause de souffrances. A l’époque de la publication des Essais sur la physiognomie, Lavater était persuadé de posséder un regard assez exercé pour bien juger de chaque chose. La façon dont il assaillit de critiques les graveurs et les artistes qui travaillèrent pour lui fut, à ce moment, l’indice de cette nouvelle confiance en ses capacités. Quand Urizen rencontre ses créatures fantômes, il évite de les regarder et ses yeux se remplissent de larmes. Le « filet de la religion » apparaît spontanément et en réponse à l’évaluation qu’a faite Urizen de sa création. Il en va comme si Urizen, lui aussi, avait intégré mentalement les outils de mesure créés par lui pour l’aider à estimer le monde qu’il a créé. Blake se moque de l’approche lavatérienne de l’élaboration de la ressemblance, parce que son mythe de la création suggère que, pendant que cette ressemblance se construit, le fossé entre Dieu et l’homme, autrement dit entre l’original et la copie personnifiée, s’accroît. Los regarde Urizen, mais en dépit du temps qu’il prend et de la peine qu’il passe à cette observation, il ne peut fixer ou restituer ce qu’il croit être la ressemblance divine d’Urizel. 
Dans Le Livre d’Urizen, l’identité humaine émerge en tant que champ gravitationnel du corps, avec le système nerveux et les vaisseaux sanguins, défiant l’interprétation physiognomonique. En réalité, aucun des corps, dans le mythe de la Création de Blake, ne possède une quelconque de ces qualités de fiabilité et de stabilité que Lavater reconnaît dans les corps et les portraits et qui fondent ses possibilités d’interprétation. L’adaptation du mythe de la Création par Blake met au premier plan une imagerie où il est question de délinéaments et d’incarnation.  Alors que la première étape, celle de la struturation de la silhouette, est suscitée par Los, la seconde est le résultat des forces et des ressources du matériel physique lui-même. Alors que Los veut réduire Urizen à un corps unique, ce corps même d’Urizen se défend. La création du corps est une célébration de la vie. De même que Blake encourage chaque lecteur à devenir actif et critique, de même, chacun des personnages de son mythe créatif reçoit un corps qui n’est propre qu’à lui.

 

 

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